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Un professeur de McGill démissionne pour des raisons éthiques

Gregory Mikkelson

Le reportage de Sébastien Desrosiers

Photo : Radio-Canada / CBC/Ainslie MacLellan

Le professeur agrégé Gregory Mikkelson, qui enseignait au sein de l’établissement montréalais depuis 18 ans, a choisi de claquer la porte après que l’Université eut refusé, à maintes reprises, de cesser d’investir dans les hydrocarbures. Il estime qu'il s'agit d'une question de cohérence par rapport à ses valeurs et à la science.

C’était une affaire de conscience, a expliqué à CBC le Pr Mikkelson qui, en septembre dernier, avait présenté une motion pour que McGill retire ses placements dans les énergies fossiles.

Sa proposition avait obtenu l’appui du corps étudiant et du Sénat de l’Université, qui régit les études. Elle avait toutefois été rejetée le 5 décembre par le Conseil des gouverneurs, qui a un droit de veto sur toutes les affaires de l’Université. Une semaine plus tard, le professeur remettait sa démission.

C’était la troisième fois que la haute direction de l’Université McGill était interpellée par ses membres à adopter des pratiques dites d’investissement responsable en désinvestissant des hydrocarbures. Le Conseil s’y était aussi opposé en 2013 et en 2016.

D'après le Groupe Desjardins, l'investissement responsable est une stratégie de placement qui intègre des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans la sélection et la gestion des titres qui composent les portefeuilles.

Au regard des sujets que je recherche et enseigne, il est devenu clair que ce genre d'action est impératif, a fait valoir le professeur, qui enseignait jusqu’à cet hiver la philosophie de la biologie et de l'éthique de l'environnement, et qui compte aussi les inégalités économiques parmi ses principaux sujets de recherche.

« Trop risqué »

D’après le rapport du comité chargé de donner des avis sur les questions de responsabilité sociale au sein du Conseil des gouverneurs, les risques financiers d’un désinvestissement étaient trop élevés.

Le campus de l'Université McGill

L'Université McGill n'a pas commenté la démission du professeur Mikkelson.

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

Les placements de McGill, au total, atteignent 1,7 milliard de dollars. C’est 8,7 % de ce montant qui est investi dans le secteur énergétique, selon ce rapport, soit 147,9 millions de dollars.

Le comité a également fait valoir que les options d’investissement, en excluant les hydrocarbures du portefeuille de l’Université, seraient trop limitées. Son rapport arrivait à la conclusion qu’il existe des manières plus efficaces de prendre soin de l’environnement.

Les cibles environnementales de McGill

McGill a des cibles précises en matière d’impact environnemental. Le plan d’action 2017-2020 de l’Université, intitulé Vision 2020, ciblait une réduction de 58 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 et clamait d’entrée de jeu que l’Université ferait tout en son pouvoir pour être carboneutre d’ici 2040.

Désinvestir aurait été un geste clair et courageux, selon le Pr Mikkelson, qui estime que le plan de l’Université pour atteindre ces objectifs reste à ce jour trop flou et imprécis. Il maintient que c’est un geste crucial pour une organisation qui a de telles ambitions et qui aspire à donner l'exemple.

Le désinvestissement fonctionne. Il crée une pression politique pour que les gouvernements fassent ce qui est juste.

Une citation de Gregory Mikkelson, professeur démissionnaire

D'autres options se présentent, il n'y a pas que le désinvestissement progressif, explique Sébastien Betermier, professeur associé au département de finance de l’Université McGill. Il y a aussi l'importance du vote des actionnaires dans les prises de décisions internes ou encore la hausse des investissements pour les énergies renouvelables.

Entre les mains des étudiants

Gregory Mikkelson n’était pas le seul, à McGill, à demander la fin des investissements dans les énergies fossiles. Le groupe étudiant Divest McGill, fondé en 2012, milite en ce sens depuis un peu plus de sept ans.

Une membre du groupe, Annabelle Couture Guillet, a qualifié la démission du professeur de « grande perte » pour l’établissement.

Le professeur Mikkelson était une force motrice dans cette université, non seulement sur les questions de désinvestissement, mais en matière de développement durable également. Il créait un contexte pour que des discussions d'un niveau académique élevé puissent avoir lieu.

Une citation de Annabelle Couture Guillet

Le principal intéressé a d’ailleurs fait part de son intention de continuer de soutenir et d’aider ce groupe malgré sa démission.

D'autres universités ont dit « oui » au désinvestissement

L’investissement responsable et le désinvestissement dans les énergies fossiles sont de plus en plus populaires auprès des universités canadiennes. Un mouvement pancanadien pour le désinvestissement existe depuis 2012, et il obtient des résultats depuis maintenant trois ans. Des universités ont choisi de désinvestir après avoir subi des pressions internes.

Des jeunes en ligne tiennent des affiches, ils sont devant un bâtiment universitaire.

Des membres du groupe écologiste Extinction Rebellion réclament de l'Université de la Colombie-Britannique qu'elle mette fin à ses investissements dans les énergies fossiles.

Photo : Radio-Canada

En février 2017, l’Université Laval était devenue la première université canadienne à annoncer officiellement son intention de désinvestir des énergies fossiles après cinq ans de ces pressions de la part de groupes étudiants et d’enseignants.

En mai dernier, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a confirmé avoir mis un terme à ses investissements dans les énergies fossiles. Le conseil d’administration de la Fondation de l’UQAM avait voté à l’unanimité pour ce désinvestissement en novembre 2017, soit environ un an et demi plus tôt.

Ce retrait progressif avait justement pour but de limiter les risques financiers afin d’éviter que la transition ne soit pénalisante. L’UQAM avait des investissements d’environ 3 millions de dollars dans les hydrocarbures.

Six mois après avoir redistribué ses investissements, l’UQAM rapporte « le même genre de rendement » que lorsqu’elle investissait dans les énergies fossiles.

En novembre dernier, c’était au tour de l’Université Concordia d’annoncer un désinvestissement de 14 millions de dollars dans ce secteur d’ici 2025.

Puis le mois suivant, à l’autre bout du pays, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) emboîtait le pas à ces universités en adoptant une résolution en ce sens. L’établissement n’a pas établi d’échéancier, mais ses investissements dans les hydrocarbures sont particulièrement importants. UBC veut désinvestir 380 millions de dollars.

Avec les informations de CBC

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